(Cela m'a troublée d'avoir raconté hier une histoire de myrtilles, parce que tout à l'heure, à la ferme de Gally, nous avons cueilli des myrtilles. Grosses et bleu pâles, très différentes des petites noiraudes de la Plagne, moins abondantes, plus précoces, mais quand même des myrtilles délibonnes !)
Enfant, et ado, j'avais une amie, une seule amie (en vrai j'en ai eu plusieurs autres, mais c'est vraiment Charlotte dont je me souviens, qui a posé sa marque en moi). Charlotte avait un frère à peine plus jeune qu'elle et une petite sœur qui est née quand nous nous sommes rencontrées, à l'âge de 5 ans. Elle avait aussi un père et une mère, classique. Je fréquentais pas mal sa famille car si j'avais pu, j'aurais passé ma vie avec Charlotte ! Dès que j'avais un moment de liberté bon, je dessinais et je lisais mais quand ces plaisirs s'étaient épuisés en moi, j'allais chercher Charlotte. Il n'y avait pas encore d'interphone, alors je me postais sous la fenêtre de sa cuisine et je l'appelais en criant de tous mes poumons. Et quand elle était là (dans mon souvenir, elle était toujours disposée à me voir), on faisait les devoirs, ou on jouait dehors, où on jouait chez elle, et souvent l'une ou l'autre réussissait à se faire inviter à dormir - fête suprême.
Ma mère adorait mon amie ; de toutes les amies que j'ai eues, Charlotte a été sa préférée, elle m'a dit souvent qu'elle la considérait comme sa deuxième fille. Cette appellation me faisait enrager, et à la fois c'était génial que charlotte puisse venir très souvent à la maison et que maman l'accueille avec chaleur.
Les parents de Charlotte et mon père ne partageaient pas cet enthousiasme concernant notre amitié. Papa n'aimait pas me voir aussi dépendante de mon amie ; quant à ses parents, ils me trouvaient bien accaparante, possessive et ombrageuse - et l'adulte et la mère que je suis devenue ne peut pas leur donner tort, même si à l'épique leur réserve à mon endroit me scandalisait.
(Ce qui est marrant c'est que la mère d'aujourd'hui - moi - a cherché à protéger ses filles, chacune, l'une d'une amie accaparante et l'autre d'une amie qui se laissait gâter et trouvait ça normal. J'étais d'autant plus sûre de mon droit à les mettre en garde, que j'avais exploré ces situations sous toutes leurs facettes, croyais-je, dans mon lien avec Charlotte).
(À suivre)
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