Je vous écris, inhabituellement, un dimanche - le poulet rôtit dans le four par dessus des oignons et des carottes et des pommes de terre, je devrais être en train de nettoyer la terrasse, où on s'apprête à déjeuner - mais c'est une journée de grand chambardement, les filles échangent de chambre et y'en a partout dans la maison, moi je me planque dans mon bureau et j'écris. C'est émouvant de les voir ranger à la cave leurs poupées, décrocher des affiches dont certaines vont atterrir dans la nouvelle chambre mais la plupart vont finir à la poubelle. Je prévois pour cette semaine un passage chez Emmaüs, peut-être un chez Ikéa. Pas besoin de changer de maison pour déménager !
C'est intéressant, les questions que l'on me pose. Une journaliste il y a 15 jours m'a demandé quel est le lien entre Ikigai et Marie Kondo. Je lui ai répondu que je ne le voyais pas - je le pressens, je sens qu'il y a quelque chose de relié entre maison moins pleine et clarté d'esprit, entre clarté d'esprit et de corps et ikigai... mais c'est compliqué de mettre le doigt dessus. Enfin, pas si compliqué en fait, quand on se penche sur les Blue zones, ces endroits où les gens vivent heureux et longtemps, il y a des facteurs communs, dont la sobriété, dont l'attachement aux gens plus qu'aux objets.
Une autre question que l'on m'a posée, que tu m'as posée, Séverine, c'est en quoi ma pratique du dessin et de la photo changent mon regard sur le monde. D'abord je dois te dire que dessiner et photographier n'actionnent pas chez moi les mêmes muscles, ni les mêmes satisfactions, ni n'apportent les mêmes apprentissages. En ce moment je photographie bien plus que je ne dessine, car la lumière est superbe là où j'habite et mon nouvel appareil photo lui rend justice... Dès qu'il y a un rayon de soleil, une lumière intense, contrastée - ce qu'apporte aussi l'éclairage des réverbères, la ville après la pluie... j'ai envie de sortir mon appareil photo. J'aime capter les ombres, les reflets, les visages ou les objets magnifiés par un rayon de lumière. Je suis depuis toujours attirée par cette beauté, cette illumination - mais le fait de les photographier ou de penser à le faire, me le rend plus conscient. Je suis aussi à la recherche de détails cocasses dans les maisons, j'aime les rideaux en dentelle, les détails des pavillons de banlieue, tellement soignés. J'aime les petites maisons et le soin que prennent leurs propriétaires successifs, ou avant cela leurs architectes, à les rendre beaux, charmants, uniques. J'aime aussi capter des détails de notre vie, dans la maison, le rapport entre ce qui vit, les plantes, la nourriture, et les objets, les plats, les vases. Et sur cela je n'écris pas, je ne peux que le montrer.
Les cosmogonies.
Et je sais à quel point elles dépendent de nous, et même, elles évoluent avec nous. Mes filles sont en train de déménager de chambre et elles vont chambouler puis recréer, toutes leurs cosmogonies. Y'en a des jouets qui valsent - et des habits, et des livres. Je prendrai en photo, si elles m'y autorisent, leurs nouvelles chambres réaménagées avec leur goût de maintenant.
Bon dimanche, mes chéries-chéris. Je vais arrêter le four, nettoyer la terrasse...
L'autre chose avec les photos, c'est la distorsion du regard - des choses que l'on voyait qui ne s'y trouvent pas, des choses que l'on avait pas vues, qui nous apparaissent sur la photo. J'adore ces apparitions et disparitions...
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