Hier, à l'occasion de mon anniversaire, j'ai parlé à plein d'amis adorés. Parmi eux, Doris. Elle m'a raconté qu'à l'âge de 8 ans, elle a noté dans un carnet la liste des titres de tous les livres qu'elle prévoyait d'écrire.
Et ce qui est dingue, c'est que ces livres, elle les écrit (elle vient de terminer l'écriture de son 3ème, les deux premiers ont été publiés).
A 8 ans, nous n'étions pas encore amies Doris et moi (on est devenues amies à 19 ans, ça commence à remonter quand même), mais c'est à l'âge de 8 ans moi aussi que j'ai décidé de devenir écrivain.
Je racontais tout à Maman. Tout tout tout, mes pensées, les micro-évènements de la journée, les jeux de la récré, mes disputes avec Natacha ; lorsque le maître nous demandait d'écrire une rédaction, je gardais le brouillon pour le lui lire le soir, à la maison. Ce n'étaient pas toutes des chefs d'oeuvre mais je vivais sous l'illusion que tout ce qui me concernait intéressait ma mère.
Dès qu'elle rentrait de sa journée de travail, dès qu'elle franchissait le seuil de la porte, pendant qu'elle enlevait son imper, à la porte des toilettes, ou qu'elle quittait sa jupe et son collant fin blanc nacré pour se mettre en pyjama, je lui racontais racontais racontais tout par le menu. Elle n'avait pas un instant pour faire autre chose que m'écouter.
Un soir, je lui détaillais ma dispute du jour avec Natacha, qui m'avait accueillie très fraichement à l'école et avait critiqué l'association dont j'étais très fière "longue jupe en velours rouge - chemisier à manches bouffantes rayé rose et blanc" (- Le rouge et le rose, franchement, ça ne va pas ensemble ! m'a-t-elle assénée, et j'étais déçue parce que j'adorais moi cette tenue et j'avais envie que Natacha ça lui plaise, et aussi j'étais scandalisée par son manque d'ouverture et la crudité avec laquelle elle se permettait de me dire des choses blessantes.)
Je racontais tout ça à Maman, nous étions assises toutes les deux à la table de la cuisine, la table de bridge recouverte d'une toile cirée qui entre parfaitement dans le coin près de la fenêtre, et en jetant un oeil à son visage, je m'aperçois que ses yeux regardent dans le vague. - Maman ! tu ne m'écoutes pas ! - Non... c'est vrai... je pensais à autre chose...
Une partie, une toute partie de moi, comprenait bien sûr qu'elle avait besoin d'oxygène de silence d'échanges ; or à l'intérieur des monologues inarrétables que je lui imposais chaque soir, il n'y avait rien de tout cela.
Une partie, une énorme partie de moi, était scandalisée et triste, - Quoi, mes histoires n'intéressent pas Maman ? Elle ne les écoute pas ? Mais c'est de la confiture à des cochons !
A cet instant je compris que je voulais raconter mes histoires à quelqu'un que ça intéresserait. A cet instant je compris que la parole à la maison avait besoin d'être répartie un peu différemment ; la parole, et le silence.
J'étais, comment te dire, convaincue de l'intérêt des histoires que je portais en moi. J'avais BESOIN de les raconter mais aussi je SAVAIS que personne d'autre que moi ne pourrais les raconter à ma manière à moi. D'où me venait, d'où me vient encore cette conviction ? Mystère et boule de gomme. Mais c'est ce jour là que j'ai attrapé un cahier et ai commencé à écrire mon journal.
(L'expérience immédiate cependant s'est avérée bien moins gratifiante que de parler à Maman. J'ai continué à lui parler... et j'ai persévéré dans ma pratique d'écriture. Et j'ai décidé que, même si l'exercice d'écrire était doublement ingrat - pénible à produire, pénible à lire - j'allais devenir écrivain. Tout ça parce que j'avais des histoires à raconter.)
Ah les vocations précoces d'écrivains! 8 ans doit être un chiffre magique! Moi aussi j'avais décidé à l'âge de 8 ans que je serais un jour écrivain! Et je me suis mise à remplir des cahiers d'histoires plagiées sur la comtesse de Ségur et Enid Blyton avant d'inventer mon propre univers. Et je n'ai jamais cessé de remplir des pages, pages qui sont un jour devenus de vrais livres comme "L'hiver avec elle", mon petit dernier (désolée, Christie, pour cette pub un peu culottée sur votre site!)
L'épisode du mariage du rouge et rose m'a fait sourire; un souvenir personnel aussi et tout aussi cuisant: une copine de la danse a critiqué mes chaussettes roses émergeant de mon pantalon rouge. Pourtant Christian Lacroix a porté haut ces couleurs!
Et bon anniversaire Christie, avec un peu de retard. Soyez comblée de mille joies et bonheurs!
Rédigé par : Nathalie | jeudi 05 novembre 2020 à 20:42
Wahou...
A 8 ans, je voulais devenir Soeur et finalement, non. Mais 50 ans plus tard, je me rends compte que j'ai toujours ce besoin d'aider même si j'entends le faire à ma manière.
Et oui, le rouge et le rose ensemble c'est beau !
Rédigé par : Marie-Valérie | vendredi 06 novembre 2020 à 11:45
Chère Nathalie, vous avez bien raison de faire de la pub pour votre livre, si vous n'êtes pas fière de votre travail, qui le sera ?
Marie-Valérie, moi aussi j'ai pensé être soeur..... ça m'a duré un mois... et je vais toujours très régulièrement à la messe ! et j'ai plusieurs robes que j'adore, dites "mes robes de bonne soeur", assez sobres et couvrantes, en coton (je les trouve jolies, mais pas spécialement sexy !)
Rédigé par : Christie | vendredi 06 novembre 2020 à 16:08
Merci Christie!
Rédigé par : Nathalie | samedi 07 novembre 2020 à 20:03