Je t'écris depuis Malakoff, une ville des Hauts de Seine, jouxtant Paris par le Sud Ouest, via le 14ème arrondissement - la porte de Vanves. Nous sommes collés au périphérique, enfin pas moi mais la ville, autrefois là où j'habite c'était "la Zone" - et aujourd'hui encore, des personnes sans abri plantent leur tente sur le bout de pelouse entre le périph et Malakoff. Bref près de chez moi il y a encore des restes de cette zone. Ainsi que des hôtels du 115, hébergements d'urgence qui se pérennisent pour des familles qui sinon dormiraient dehors ou seraient reconduites à la frontière.
Mais chez moi, ce n'est pas du tout la zone. J'habite avec mon mari, nos deux filles et Hush notre chien, une maison dans une rue qui coupe Malakoff dans sa largeur, elle va de Vanves à l'Ouest à Châtillon à l'Est, pfiout. Notre rue est bordée d'immeubles et de maisons avec des jardins, c'est dans l'une de ces maisons que j'habite ; quand je pense aux tentes près du périph et aux hôtels du 115, je me dis que j'ai de la chance. Les murs extérieurs de la maison sont recouverts de briques roses et les huisseries sont gris anthracite. On y arrive via un petit jardin de devant, et un escalier en bois béton. Puis elle se déploie sur trois étages, un rez-de-chaussée (qui comprend l'entrée, une chambre, la cuisine, la salle à manger), puis de là on monte au premier étage, ou on descend au rez-de-jardin avec un salon, la buanderie, le garage, et le jardin de derrière.
Mon bureau, la pièce où j'écris le plus souvent cette année, est situé au premier étage - c'est-à-dire, tout en haut de la maison. C'est une pièce accolée à notre chambre. Au début, avant qu'on emménage, ça me dérangeait, l'idée d'être aussi près de ma chambre. Et puis on a peinte la pièce en rouge (couleur du désir) et en gris (couleur de la réflexion) et j'y ai installé ma table bleue, mon fauteuil bleu canard et orange, mes livres et mes jouets - et je m'y suis sentie bien. Même si aujourd'hui je la trouve un peu encombrée (tous ces jouets ! tous ces livres ! toutes ces piles de cahiers qui menacent de s'effondrer à chaque mouvement !), j'y travaille avec plaisir.
Nous étions installés dans notre maison de Malakoff depuis un an ou deux, quand je me suis souvenue d'une lecture que j'avais faite, enfant. Aline Giono, l'une des deux filles de l'écrivain Jean Giono, racontait ses souvenirs d'enfance - évoquait le père de son enfance. Ils habitaient une grande maison, un mas, dans la campagne provençale ; Jean Giono avait installé sa pièce à écrire tout en haut de la maison. On y accédait par une échelle de meunier, et une trappe. Quand il voulait entendre les bruits de la maison, il laissait la trappe ouverte, et quand il voulait s'en protéger il la fermait. Mais ses filles, et sa femme avaient le droit d'entrer quand elles le désiraient. En lisant ce livre, je me suis dit Je veux un bureau comme cela, en contact avec la vie de la maison, tout en haut, et vivre avec une personne que j'aime, et qu'on aie des animaux, et des enfants, qui ne me dérangeront pas quand ils entreront dans "ma pièce" car ils viendront par amour, ou par besoin. Et moi je serai heureuse de les voir, de les savoir près de moi, et d'entendre les bruits qui filtrent de leur présence. Et si j'ai besoin bien sûr, de silence, je pourrai fermer ma porte.
Et je me suis sentie heureuse, si heureuse, en comprenant un peu après notre arrivée, que mon rêve de bureau à la Jean Giono, j'étais en train de le vivre.
C'est beau, un rêve qui se réalise, et ça donne envie de rêver à son tour.
Rédigé par : Emilie | mardi 31 janvier 2023 à 09:45
Hiii ! oui !! moi ce que j'aime c'est retrouver un vieux rêve oublié, et me dire, mais au fait, J'Y SUIS !!!
Rédigé par : Christie | mardi 31 janvier 2023 à 11:24
La vie comme une spirale allongée qui va d'autant mieux vers l'avant qu'elle repart un coup en arrière...
Rédigé par : Virginie Grin | mercredi 01 février 2023 à 10:05