Ma chérie-chéri,
aujourd'hui est l'anniversaire de l'homme de ma vie, et ce matin j'assistais à l'enterrement d'un jeune homme de 19 ans, fils et cousin d'amis de ma paroisse à Malakoff...
Et puis, j'ai fait le voeu de silence (pour la journée, selon la règle de Saint Benoit, c'est-à-dire, ne pas prononcer une parole de plus que nécessaire), et aussi je me suis luxé un muscle de la cheville droite, et donc au lieu de marcher je boitouille.
Donc, cet aprèm, silence et au lit. Pensées pour mon homme qui avance dans la vie ; pensées pour ce jeune homme qui a choisi de reprendre, sa vie. Pensées pour son père et sa mère qui deviennent orphelins d'un fils, pour son frère et sa soeur dont la fratrie semble boiteuse, pensées pour tous ceux qui l'aimaient, et pensées pour les falaises d'Etretat, encore elles, qu'il a choisies ou qui l'ont appelées, le ciel et la terre se rejoignant parfaitement....
Mon voeu de silence. D'un point de vue extérieur, c'est complètement raté, je m'aperçois à quel point j'ai du mal à me taire, j'ai du mal à écouter - je vais peut-être prolonger l'expérience de quelque jours parce que vraiment, y'a du boulot en retenage de paroles et en écoute du point de vue de l'autre. D'un point de vue intérieur, c'est une réussite car je m'aperçois concrètement à quel point c'est urgent que je fasse "ce Carême de mots prononcés", c'est malin hein d'avoir attendu le dernier jour du Carême pour me lancer. Et je n'ai eu l'idée qu'hier, alors. Je ne pouvais pas le faire avant !
Donc me voilà, tentant de me taire et y parvenant à grand peine, massant ma cheville avec de l'huile essentielle de gaultérie, et méditant sur ce texte qui a été lu tout à l'heure à la fin de la messe pour ce jeune homme envolé, Cyril.
Il a été écrit par le père Antonin Sertillanges. Je vous le partage, car j'ai trouvé soutenant de lire et d'entendre un texte qui répond aussi bien à ma propre vision de la mort, des relations que l'on peut entretenir avec une personne aimée qui est passée de l'autre côté du voile.
"Par la mort, la famille ne se détruit pas, elle se transforme, une part d’elle va dans l’invisible.
On croit que la mort est une absence, quand elle est une présence discrète.
On croit qu’elle crée une infinie distance, alors qu’elle supprime toute distance, en ramenant à l’esprit ce qui se localisait dans la chair.
Que de liens elle renoue, que de barrières elle brise, que de murs elle fait crouler, que de brouillard elle dissipe, si nous le voulons bien.
Vivre, c’est souvent se quitter ; mourir, c’est se rejoindre. Ce n’est pas un paradoxe de l’affirmer.
Pour ceux qui sont allés au fond de l’amour : la mort est une consécration, non un châtiment….
Au fond, personne ne meurt, puisqu’on ne sort pas de Dieu. Celui qui a paru s’arrêter brusquement sur sa route, écrivain de sa vie, a seulement tourné la page.
Plus il y a d’êtres qui ont quitté le foyer, plus les survivants ont d’attaches célestes. Le ciel n’est plus alors uniquement peuplé d’anges, de saints connus ou inconnus et du Dieu mystérieux. Il devient familier, c’est la maison de famille, la maison en son étage supérieur, si je puis dire et du haut en bas, le souvenir, les secours, les appels se répondent.
Ainsi soit-il."
Cela m'est d'un grand secours, ces dernières semaines, de m'adresser directement, par écrit, à Mam ma grand-mère paternelle, et à Pierre, mon ami-amour de jeunesse, qui tous deux sont morts de corps - mais quand je leur écris et "qu'ils me répondent" (je mets des guillemets car comment être sûre ?)... ça sonne bien comme eux. Et oui, la communication est bien plus fluide que de leurs vivants.
Facile, pourrais-tu me dire, tu fais les questions et les réponses.
Oui peut-être, sauf que les réponses ne ressemblent pas à ce que moi je dirais.
Comment savoir ?
Hé bien, je n'en sais rien.
Et tant que ça me fait du bien, je continue à papoter, de ci, de là, avec les voix chères qui en fait ne se sont pas tues.
Bonne journée, ma chérie-chéri.
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