
Alors voilà, j'ai quitté ma table de travail pour m'installer sur le lit. J'avais envie d'être avec Hush et de m'entourer du vert et du rouge et du rose et du violet et du bleu de mon balconou. Mon lit donne sur cle balconou et toutes les chaises pots plantes tabourets récipients statues bouts de bois cailloux arrosoirs que j'ai arrangés dessus - plutôt d'une manière qui me plait.
Juste avant de venir écrire ce texte, je suis passée par mon carnet de notes d'observations, pour rendre compte de la balade d'hier soir, exterieur nuit, grand vent, rue quasi déserte, je croise un homme sur le trottoir d'en face qui me demande comment je vais, - ça va...., - on profite du vent ? Et nous sommes partis tous les deux d'un grand éclat de rire, peut-être est-ce une blague de quadra comme diraient mes filles mais cet échange avec un inconnu a vivifié toute ma balade.
L'écriture ne commence pas au moment où je pose mes doigts sur le clavier - même si c'est à ce moment-là qu'elle prend sa véritable forme et se déploie. Non, l'écriture prend sa source dans une idée qui me vient, pouf, elle me traverse le matin dans le bain... en écoutant la radio... au milieu d'une discussion avec une amie... ou lorsque je marche... ou quand je coupe des légumes. Dans ce moment-là, c'est bien si je peux prendre des notes, parce que sinon, aussi pregnante et forte que soit l'idée, elle m'échappe au bout de quelques instants. La durée de vie d'une idée non notée est de quelques poignées de secondes, je ne crois pas que cela s'étende à la minute. J'ai appris récemment que notre cerveau est conçu pour générer des idées, pas pour les retenir - cette information, je l'ai retenue, en revanche la source je ne l'ai pas notée donc je ne suis plus bien sûre.
Pendre des notes ; c'est l'une des clés d'une écriture riche en détails et vivante. Lorsque je suis sur place, lorsque l'idée me vient - l'image, le concept sont tout formés dans mon esprit, sous mes yeux. Si j'en prends note, alors je peux le réutiliser facilement au moment où j'en ai besoin, avec la richesse et la texture - la granularité de la voix et de l'émotion que j'avais ressentie sur le moment ; et non pas du réchauffé.
... Mon idée se précise au fur et à mesure que j'écris, au fur et à mesure que la pluie, les rafales de pluie, viennent toquer à la fenêtre, emplir les divers récipients que j'ai disposés un peu partout sur le balcon (je les vois de mon lit d'écriture) et dans nos deux jardins (je les sais là, je me les figure, même si je ne les vois pas, ces pots en zinc de tailles et de formes diverses disséminées ça et là pour recueillir l'eau de pluie qui servira d'abreuvoir aux oiseaux, aux insectes), et de réserves pour arroser quand on en aura besoin). Et puis du coin de l'oeil je surveille les mouvements du poisson volant, le poisson japonais en tissu que j'ai accroché au sommet d'un tuteur et qui flotte lorsqu'il y a du vent, et qui retombe le long du tuteur lorsque le vent se calme.
La manière dont j'apprends à écrire précis, c'est en prenant des notes : sur mon carnet d'observation, sur mon carnet d'écriture mais avant cela, chaque matin lors des trois pages, je "traque", non ce n'est pas le bon mot, je me mets à l'affût et j'accueille les images, les perceptions, les signaux faibles, les observations qui me passent par les yeux, par les oreilles, par la mémoire et le coeur. Cet "entrainement" "gratuit", c'est-à-dire qui ne me sert à rien d'immédiat, me permet le moment venu d'aller beaucoup plus vite et plus droit au but, droit à la notule, droit au détail qui va donner sa chair à l'histoire.
Ainsi ces pages du matin (gros cahier qui reste à la maison, sauf bien sûr quand je pars en vacances) et ces carnets de notes (carnets plus fins que je trimballe partout avec moi), c'est à la fois ma manière de porter plus d'attention au monde autour de moi et en moi, et en cela le processus est guérisseur, mais aussi ma manière de faire mes gammes, d'acquérir une grammaire et du vocabulaire et de rassembler de la matière pour ensuite nourrir l'écriture que je vais publier.
Et ce qui est merveilleux, l'une des choses merveilleuses et surprenantes, c'est que lorsque je me mets à ma table d'écriture, enfin là je suis à demi-assise dans mon lit, je m'épaule de l'intention du texte et de la précision du vocabulaire, comme des tuteurs, l'écriture elle va se déployer dans la direction qu'elle désire prendre, elle suit son cours, elle grimpe, elle se délie, elle fleurit, elle m'emmène parfois presque là où je voulais aller, et le plus souvent là où elle a décidé de se rendre.
A bien y réfléchir l'écriture me fait penser à Hush et à nos balades dans Malakoff. J'ai une idée sur le chemin qu'on va prendre, parfois il a la même, parfois il en a une autre. Si je veux lui imposer ma direction (après tout c'est moi la maîtresse), je suis bonne pour le tirer et le porter et m'énerver tout du long. Si je décide... de le laisser décider, après tout c'est sa balade, ben c'est surprenant, et reposant, et ça lui fait plaisir. Bon en vrai ça n'est pas tout à fait la même chose mais ça me fait plaisir d'associer Hush à mon texte. Vu qu'il est tellement étroitement associé à ma vie.
Allé - je vais cuisiner - ce soir, riz et jambon à la mode d'ici (des tranches de jambon roulées, dans un plat au four nappé d'une sauce tomate à l'échalote au vin blanc et à l'estragon quand y'en a ; et du gruyère rapé pour le gratiné. Trop mioum).
Bonne soirée ma chérie-chéri !
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