Merci, monsieur le Premier Ministre, de nous gâcher la libération des otages en disant que "Cette ligne de la France, cette amitié de la France pour le peuple irakien a été ainsi reconnue par la libération de nos deux compatriotes.".
Dois-je en déduire que c'est la ligne de l'Italie qui a été condamnée par le meurtre d'Enzo Baldoni, tué par ce même groupe qui a libéré nos deux journalistes ? Que les 150 autre otages étrangers encore prisonniers et sous la menace de la mort le sont à cause de l'absence d'amitié de leurs pays ? Que Margaret Hassan, responsable humanitaire britannique, méritait d'être finalement tuée, puisque Tony Blair avait pris le parti de la guerre ? Que les pauvres Népalais n'ont pas eu la joie de bénéficier de cette amitié d'un pays trop étranger, trop neutre ou trop pauvre ? Que Daniel Pearl méritait de mourir parce qu'il était juif, et donc à cause de la politique d'Israël, qui n'est pas une amie ?
Beaucoup se demandent quel prix la France a payé ou va payer dans cette histoire. Pour moi, il est déjà payé. Et que cette reconnaissance officielle des buts politiques des méthodes terroristes soit le fruit d'une négociation ou de la bètise d'un homme ne change rien à l'affaire.
Enfin, le terme amitié. On m'a toujours appris, et je l'ai vécu, que l'amitié, celà se cultive, que les amis, ce sont ceux sur qui vous pouvez compter quand vous êtes dans le pétrin. On dit qu'il n'y a pas d'amour, mais que des preuves d'amour. Dans quels actes s'incarne aujourd'hui précisément l'amitié de la France pour le peuple irakien ? Dans le soutien de son dictateur jusqu'aux derniers instants ? Dans le retard pris à constater sa libération ? Dans l'absence criante de cet ami aux cotés de ce peuple qui, difficilement, malgré les actes terroristes, malgré le chaos, est sur la voie de son autonomie, de ses premières élections ?
Vous aimeriez, vous, un ami comme ça, qui rappelle avec solennité votre amitié alors que vous ne l'avez pas vu depuis des années (sauf à la télévision parler de vous), et qui en outre vous confond, vous, le peuple, avec ceux qui, aujourd'hui, sèment la mort, et vous empêchent de guérir, tuent vos familles et vos amis ?
Non, Monsieur Raffarin, vous ne parlez vraiment pas en mon nom, cette fois-çi.
[Photo AFP. JAck Guez]
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