Le magazine Challenges, dans sa dernière livrée de la semaine dernière, nous a livré un dossier assez étonnant franchement partisan sur la réforme façon Villepin. Trois articles longs, titrés "Villepin le réformiste", sur sa "méthode", "Jours peu tranquilles à Matignon", sur le "rythme", et "l'étoffe du héros" (!!) sur son passé et son avenir (je ne résiste pas au plaisir de la citation : "En quelques semaines, il est capitaine de l’équipe du lycée, au poste de demi-centre. Il est déjà aux commandes." [...] "Contrairement à d’autres, l’Ena, la machine à former des hommes gris, qu’il fréquente avec François Hollande et Ségolène Royal, ne l’amollit pas.").
Trois articles élogieux avec en fond la thèse (shorter) : la rupture, Sarkozy en parle, Villepin la fait.
Ce genre de productions, où l'on distille peu d'information et beaucoup de "spin" n'est évidemment pas l'apanage du magazine économique du nouvel obs. Le Monde, par exemple, nous a déjà servi des articles et des titres à la gloire du premier ministre qui étaient des summums d'inobjectivité et d'absence d'information.
Ce qui m'a le plus surpris, au-delà du blabla habituel et des photos, c'est le graphique présenté en bas de la page 52 : le solde d'opinions favorables au premier ministre (source TNS Sofres), qui serait, d'après challenges, resté d'une stabilité exemplaire, malgré son courage de prendre des mesures difficiles en plein coeur d'actualités pourtant brûlantes :
Soldes d’opinions favorables
Juillet 2005 - Annonce du contrat nouvelles embauches (CNE) : 39 %
Septembre 2005 - Réforme de l’impôt sur le revenu : 42 %
Octobre 2005 - Annonce de la privatisation d’EDF : 44 %
Novembre 2005 - En pleine crise des banlieues, abaissement de l’âge de l’apprentissage à 14 ans : 39 %
Décembre 2005 - Privatisation des autoroutes : 45 %
Janvier 2006 - Annonce du contrat première embauche (CPE) : 43 %
SourceS : TNS / sofres
Popularité maintenue. Les différentes réformes menées par le gouvernement n’entament pas la cote de Dominique de Villepin. Le Premier ministre en est certain : « Les Français sont prêts. »
Tout lecteur régulier de ceteris paribus éveille désormais son esprit critique à l'annonce de la popularité exceptionnelle de Dominique de Villepin. Cela a été mon cas, surtout quand j'ai lu "solde d'opinions favorables". En janvier 2006, on avait ainsi, d'après TNS Sofres, à la question "Faites-vous tout à fait confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas du tout confiance à Dominique de VILLEPIN pour résoudre les problèmes qui se posent en France actuellement ?", les réponses suivantes :
Sous-total confiance : 43%
Sous-total pas confiance : 53%
Challenges en déduit, en nous présentant uniquement le 43%, et en l'affublant du nom de "solde d'opinions favorables", que la popularité du premier ministre est exceptionnelle ! Sacrés journalistes ! Un "43" de solde d'opinions favorables signifierait, par exemple, que 69% des français ont confiance, 26% pas confiance, et que 5% ne se prononcent pas.
On est très loin de ce cas de figure.
Challenges est un magazine sympathique. On a envie qu'un hebdo "économique" marche en France, que la stratégie initiée avec sa nouvelle formule réussise. Mais pour ça, il va falloir hausser un peu le niveau de qualité, et quitter les mauvaises habitudes de la torsion de la réalité au profit de sa thèse.
(PS : pour l'analyse en détail de la popularité de Dominique de Villepin, c'est chez Emmanuel que ça se passe)
La complaisance médiatique dont bénéficie Villepin est un mystère qui reste à expliquer. Le plus incroyable c'est qu'elle est apparue au grand jour à une époque où Galouzeau ne tenait ps les rênes du pouvoir, précisément lors de la sortie de cet essai hallucinant qu'est "le cri de la gargouille."
Je me demande combien de temps peut durer cette imposture.
PS: où ets passée cette délicieuse citations Vilepinesque qui ornait ton blog il y a peu?
Rédigé par : Sindelaar | 13 février 2006 à 12:31
Mouais. J'avoue que je suis dubitatif sur la méthode. Rétropsectivement, je me dis qu'il était peut-être idiot (quoique les jeux ne soient pas faits) d'espérer que Villepin envisage réellement le contrat unique, comme ils l'avaient promis. On ne commence pas par des contrats différenciés si l'objectif est un contrat unique. Mais j'avoue que ses déclarations d'aujourd'hui au Fig' (qui laissent entrevoir la mise au placard du contrat unique) me laissent un goût amer, et notamment en matière de "méthode".
On peut en effet penser que le contrat unique aurait été à même de provoquer un véritable effet sur le chômage, davantage que CNE + CPE (même si on ne peut pas encore exlure qu'ils aient un impact) et Villepin se sera brisé les reins sur des réformettes.
Au passage, pour un gaulliste prétendument plus social que "d'autres", ses réformes sont singulièrement libérales.
J'ai le sentiment aussi que, de plus en plus, il privilégie le discours version Méthode Coué... Pas sûr que ça ne finisse pas par apparaître comme un déni de réalité.
Rédigé par : koz | 13 février 2006 à 19:52
Outre les fautes d'orth et d'accord, je précise juste : je pense que CPE + CNE auront un impact, mais probablement bien plus faible que n'aurait été l'impact d'un contrat unique (ie flexibilité contre garanties).
Rédigé par : koz | 13 février 2006 à 19:54
Sur l'efficacité du contrat unique, il est difficile, très difficile, d'etre aussi optimiste que koz ! Meme le Figaro (un tres bon point de vue de P Askenazy) notait que l'idée qu'il s'agirait là de la panacée anti-chomage est loin d'etre etablie.
La synthese de ce que la science économique a a dire sur le sujet a été livré en 2004 par l'OCDE, qui concluait au role ambigu de la flexibilité du droit du travail sur l'emploi : en general elles affaiblissent les insiders et donnent plus de chance aux outisders de l'emploi, avec un impactr global incertain sur le niveau total d'emploi. Il n'existe aucune analyse sérieuse qui permette d'en dire plus à ce jour.
Le probleme avec le CNE/CPE, c'est préciséement que la flexibilité est concentrée sur les outsiders !!!
Rédigé par : V | 13 février 2006 à 21:11
koz est certainement plus intelligent et affuté que je le serai jamais, mais s'il a raison de désirer le contrat unique, c'est que la réalité est insoutenable, et donc il ne reste plus qu'à la plier ou la contourner
Rédigé par : brigetoun | 13 février 2006 à 21:42
Dans la série des chiffres pipeautés, saviez-vous que la fameuse tirade "il faut en moyenne entre 8 et 11 ans à un jeune pour trouver un CDI” que Villepin et ses ministres martèlent dans tous les médias et qu’une grande partie de la presse a repris sans parfois prendre la peine de mettre des guillemets, se révèle être en fait une énorme arnaque.
C’est L’Express qui a révélé le pot aux roses : le premier ministre a tout simplement "extrapolé" une statistique d’Eurostat qui dit tout autre chose...
En fait, il faut attendre l’âge de 33 ans ("entre 8 et 11 ans" après la fin des études) pour que 90% d’une classe d’âge ait un CDI (comme l’ensemble de la population). Autrement dit, s’il faut entre 8 et 11 ans, c’est pour que tous les jeunes ou presque aient un CDI. Beaucoup l’obtiennent bien avant. Selon le Céreq, toutes qualifications confondues, 71% des jeunes ont un CDI 4 ans après la fin de leurs études !
Mais c’est vrai qu’en disant cela (c’est-à-dire la vérité, qui est suffisamment préoccupante pour ne pas être exagérée), c’est moins vendeur pour le CPE...
Rédigé par : L'observateur | 13 février 2006 à 21:53
"l'observateur", tu répètes le même couplet sur chaque blog : c'est une donnée de l'OCDE, reprise par le MJS lui-même dans son argumentaire anti-CPE...
Quant à la "panacée", il est vain d'employer de tels mots. Personne ne croit en une telle panacée en matière d'emploi. Le seul terme de "panacée" est une c...ie
Rédigé par : koz | 13 février 2006 à 22:35
Ha ha ! Heureusement que Koz veille...
Ces guignols du MJS feraient n'importe quoi...
Rédigé par : Jules | 13 février 2006 à 23:11
Koz,
Si je "répète le même couplet" sur chaque blog comme tu dis, c'est que c'est la vérité et qu'elle a du mal à passer face au matraquage de Villepin et de ses ministres. La preuve, comme une grande partie de la presse et des blogueurs, même le MJS (comme tu dis) est tombé dans le panneau. Cette escroquerie intellectuelle et la facilité avec laquelle elle peut passer me sidèrent. Elle me semble symptomatique à la fois du cynisme politique et de la résignation qui s'insinue dans les esprits sous l'influence du dressage libéral.
Mais comme tu as encore l'air de douter, je te défie de me prouver que les chiffres avancés par Villepin sont justes et issus d'une étude de l'OCDE (comme tu dis). Je te souhaite bon courage. Sollicités par la presse (notamment L'Express et le Nouvel Obs), les services de Matignon n'y sont pas parvenus...
Ou alors préfères-tu croire à une contre-vérité avérée parce que ça t'arrange ?
Rédigé par : L'observateur | 14 février 2006 à 10:52
Je m'étonne surtout que Challenge affiche aussi ouvertement ses sympathies pour un Villepin aussi à droite.On ne fait que découvrir,petit à petit,que derrière Fouché se cache Nabuchodonosor
Rédigé par : GlobLog | 14 février 2006 à 11:23
C'est pas l'inverse ? Parce qu'entre les deux, Fouché, le "mitrailleur de Lyon", me fout davantage les boules.
Rédigé par : koz | 14 février 2006 à 12:04
Nabuchodonosor a fait assez fort aussi non ?
Rédigé par : brigetoun | 14 février 2006 à 22:06