Problème : comment soutenir le sauvetage Sarkozy du dialogue social (le Monde semble avoir lâché Villepin d'un coup d'un seul avec un article d'un lêche-bottisme subjuguant pour Sarkozy, démineur de conflits sociaux) sans pour autant appuyer tellement sur Chirac qu'on risquerait de s'enfoncer avec lui ?
Les blogs des élus sarkozystes offrent une série de réponses très personnelles.
Ainsi, Patrick Devedjian juge-t-il avec une présomption certaine que "les gens de bonne foi n’ont plus matière à s’indigner" : ainsi donc, celui qui s'indigne de ce que le Président de la République maltraite ainsi la loi, dépasse le territoire que lui autorise la constitution, soit pris en flagrant délit d'incitation à la non-application de la loi, celui-là est coupable de mauvaise foi. Bien. On a pourtant connu Devedjian plus dur avec Chirac...
Après l'accusation, le devoir commande de passer au "wishful thinking" : "tout le monde va se mettre autour de la table pour avancer ses propositions". Allez hop, fin de la récré, tous autour de la table. Il n'a pas complètement tort : je pense que les syndicats réformistes vont venir à table, avec l'unique demande d'une abrogation du CPE. En tout cas, c'est ce que tous ont clairement indiqué.
Et c'est justement ce que souhaite Devedjian : "le CPE est de fait suspendu. Et il serait étonnant que la discussion parlementaire avec les syndicats et le patronat le remette en selle." Suffisait de le demander ! mais, finalement, pourquoi s'être embêté à promulguer cette loi, après tout ?
Ainsi donc, le parlement vote une loi, le président la promulgue, demande de ne pas l'appliquer, mais d'en voter une nouvelle y apportant des modifications, le parlement va finalement l'annuler, quelques mois après avoir voté comme un seul homme, et seuls les "gens de bonne foi" auront matière à s'indigner.
Alain Lambert n'est pas non plus dans un posture plus facile : on le sent embêté, en rappelant dans un long paragraphe sa confiance en la démocratie représentative, avant de souligner que "le Président de la République a confirmé ce soir que force devait rester à la loi".
Ah bon ? Drôle de manière de donner de la force à la loi que de demander qu'elle ne soit pas appliquée. répétez après moi : ne pas appliquer la loi la renforce (si quelqu'un veut me traduire ça en latin, je pense qu'on peut en faire un épigraphe pour ce blog).
Alain Lambert concède cependant qu'il n'est "cependant pas sûr que cela soit lisible pour la population non spécialiste des arcanes du droit". Je le rassure tout de suite : pour les populations spécialistes du droit, c'est totalement illisible et brouillon. Je gage que pour le "jeune de banlieue", à qui l'on dit qu'il faut respecter l'ordre public, ces allers et retours sur fond de promulgation non appliquée d'une loi qui est bonne mais qu'il faut changer sont effectivement totalement incompréhensibles.
Le choix de la lisibilité était pourtant possible : renvoyer le texte devant le parlement, comme lui permet l'article 10 de la constitution. Le parlement se serait alors chargé de supprimer l'article sur le CPE. Mais ce choix n'a pas été fait. Allez rattraper ça, maintenant.
Enfin, il y a François Fillon, qui, lui aussi, souligne que Jacques Chirac "montre qu’il a entendu les protestations mais aussi qu’il respecte les institutions et la démocratie". C'est donc bien la ligne officielle : "on ne tape pas sur le président" !
En échange, on installe le nouveau rapport de force qui doit faire de Nicolas Sarkozy le super-héros de cette crise : "Personne ne comprendrait que les partenaires sociaux ne saisissent pas cette occasion pour engager directement avec la majorité parlementaire le dialogue nécessaire à la rédaction de la proposition de loi qui répondra à la demande du Président de la République." (au passage, notez bien ce ouvel ovni politique : la proposition de loi répondant à la demande du Président de la République).
Bref, message clair : Sarkozy a gagné cette bataille. Pas encore la guerre, mais les syndicats devraient être en mesure, à un an des élections, de gagner quelques os à ronger dans un débat où je gage que la notion de dette publique va soudain disparaitre des préoccupations.
De là à régler le problème du chômage des jeunes...
(mais non, suis-je bête, c'est pour après 2007)
Pensez-vous que les amis de Sarkozy renonceront pour cette fois à aborder l'hypothèse du contrat unique ? Après tout, il s n'ont rien à perdre à ce stade, et peuvent y gagner un énorme avantage dans l'opinion, surtout s'ils poussent le culot jusqu'à proposer sa mise en oeuvre dans la fonction publique d'état, au moins pour les enseignants et les soignants.
Par ailleurs, on peut reprocher beaucoup de choses à Mr Sarkozy, mais pas de manquer de courage ou de trop abuser de la langue de bois.
Rédigé par : Plic | 04 avril 2006 à 07:25
bon ce n'est peut être pas la langue de bois, mais pas spécialement celle de St Jean Bouche d'or. En quel matériau ? Une victoire oui c'est ce qui se dessinait depuis plusieurs jours mais pas forcément. J'aurai tendance dans ma naïveté à penser que justement le contrat unique tel qu'envisagé aura encore plus de mal à passer, et ne pourra donc être proposé. Ce qui amènerait Sarkosy à l'enterrer lui-même. Est ce que je rêve ?
Rédigé par : brigetoun | 04 avril 2006 à 23:37
Qui vivra verra.
Mais après tout, force est de constater que seul Sarkozy pourrait effectivement proposer le contrat unique.
Et je ne suis pas certain que les lycéen et les étudiants seraient aussi révoltés par une mesure qui cette fois, ne les cliblera pas en particulier. A vrai dire, rendre les fonctionnaires devenus improductifs révocables serait sans doute le seul moyen pour eux de pouvoir espérer obtenir rapidement des emplois pérennes.
Quand je vois l'absence troublante des inactifs et chômeurs dans les dernières manifs, et le fait que les manifestants du public ont déjà payé bien cher leurs participation à ces deux dernières grèves, je me dis que c'est jouable.
Rédigé par : Plic | 05 avril 2006 à 05:26
"Personne ne comprendrait que les partenaires sociaux ne saisissent pas cette occasion pour engager directement avec la majorité parlementaire le dialogue nécessaire à la rédaction de la proposition de loi qui répondra à la demande du Président de la République."
A graver en lettres d'or aux frontons des Palais de la République. Voici un ministre d'Etat nul en droit constitutionnel.
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A bientôt!
Rédigé par : | 11 avril 2006 à 22:36